Helene Zuili - BizNetBlog

Réflexions & news sur le biz du net. Webmarketing, NTIC & Univers Virtuels, internet immersif, pratiques collaboratives, personal branding.

Qui suis-je....

Auteur-réalisatrice multimédia. Entrepreneur passionnée de l'être humain et des nouvelles technologies et médias, des interactions, des interfaces et de la convergence.. Fondatrice de MakeMyWorlds, spécialiste de l'internet immersif et des univers virtuels. Consultante, enseignante, speaker @ BizNetFormations.

Ce que je propose...

Conseil et veille technologique cross médias. Formations individuelles et collectives. Coaching et accompagnement à l'utilisation des nouvelles technologies en environnement professionnel. Integration de pratiques collaboratives en univers virtuels. Gestion de projet Second Life & Second Life Entreprise.

Roman Polanski, Internet, les Medias et la Politique : quand tout se melange...

C'est vrai, j'utilise peu ce blog pour développer des idées personnelles sur la vie ou l'actualité qui m'interroge. J'ai l'habitude de cloisonner ce qui relève des sujets professionnels d'autres sujets qui me passionnent. Mais comment faire quand tout se mélange, quand le sujet même que l'on traite est intimement mélé aux débats de société. Depuis toujours, je me sens responsable et actrice dans cette société digitale que je contribue à développer, notamment par les enseignements que je donne. Et depuis quelques mois, j'ai si mal à mon Internet que j'ai du mal à écrire.


J'ai longuement hésiter à poster sur ce qu'on appelle "l'affaire" Roman Polanski, et plus particulièrement sur la façon ignoble dont les médias traditionnels et les nouveaux médias se sont appropriés l'arrestation du cinéaste à des fins totalement sensationnalistes, calomnieuses et tragiques. Ce que je lis dans les blogs, dans les commentaires, ce que je perçois de l'utilisation des médias sociaux relayés ou encouragés par les médias "mainstream", m'effraie à tel point que je peux difficilement me taire.

Hier se tenait un évènement étonnant aux U.S. baptisé "Can you hear us now ?" (Pouvez-vous nous entendre maintenant ?"). Un mouvement de protestation bâti par la mouvance "républicaine" à partir des médias sociaux, organise des rassemblements-manifestations "tea-parties" partout dans le pays pour dénoncer les médias traditionnels qui ne relaient pas l'avis de l'opinion publique mais qui, selon eux, défendraient seulement leur propre point de vue... qu'ils considèrent comme trop "liberal" (ce qui dans la culture américaine désigne les progressistes, c'est à dire le gouvernement en place). Selon ce courant et pour faire court, la presse et les médias devraient donc relayer la voix et la pensée de l'opinion publique (c'est à dire la leur) plutôt que celles des politiques. Hmmm.....

Selon Wikipedia, l'opinion publique est l'ensemble des convictions et des valeurs plus ou moins partagées, des jugements, des préjugés et des croyances de la population d'une société donnée....L'opinion publique peut être influencée par les médias, les leaders d'opinion les professionnels des relations publiques et du lobbying, la propagande, mais aussi par l'éducation, les arts, les sciences et la philosophie." Selon les sociologues Pierre Bourdieu ou Alain Accardo , l'opinion publique est un objet construit, un artefact, dont la fonction est de globaliser sous forme de statistiques pour légitimer un rapport de forces, et à travers lui une politique. Pour Accardo, l'opinion publique tient pratiquement tout entière dans ce qu'en disent les médias et tout spécialement aujourd'hui les instituts de sondage capable de produire un questionnement arbitraire, globalisant, et interchangeable, pour coller à des fins d'aggrégations statistiques.

Les sondages servent donc logiquement au monde politique pour établir des stratégies de conquête de l'electorat. Hors ce qui est étrange, c'est que dans l'affaire Polanski comme dans l'affaire Mitterand, comme dans d'autres sujets d'information depuis quelques années, certains journalistes se servent de ces sondages pour ajuster leur ton et cesser de faire leur travail d'investigation, de questionnement et d'élévation du débat.

J'ai été frappée par le changement soudain de tonalité de certains médias , 48 heures après l'arrestation de Roman Polanski , quand un premier sondage internet a mis en évidence "une désapprobation des français concernant la défense de Polanski". Idem, quand après avoir trainé le ministre de la culture dans la boue, un sondage a montré que 2/3 des français ont trouvé le ministre convaincant.
J'ai aussi été choquée par la soudaine nécessité de certains médias et politiques, de se mettre au diapason de cette désormais fameuse "opinion internet" et de se justifier. (cf L. Ruquier et ses commentateurs, qui dit texto "nous n'avions pas d'avis, avant de lire les commentaires des auditeurs..." et qui revendique le "bon-sens populaire".)

Un site américain (appartenant à un important groupe de presse) met en ligne la déposition de "la victime", et tous les blogs la reprennent en coeur, faisant fi des droits essentiel des deux parties. Les mainstream medias qui ne veulent pas être dépassés surenchérissent dans le trash. Ceux comme Whoopy Goldberg qui viennent simplement essayer de ramener la foule à la raison en invoquant les faits, se font tout simplement lyncher avec une violence indescriptible. Même chose en France où les commentaires antisémites se rajoutent à la pauvreté des insultes.

La machine s'emballe. Le choix des images, un Polanski jeune (et beau) et une innocente collégienne rajoute à la perception que le fait s'est déroulé la veille. Peu de journalistes s'attachent à contextualiser les faits, à les analyser. Aucun article de fond sur la société des années 70, sur les évènements précis, sur le rôle des médias américains, sur la parole de Roman Polanski. Il faut attendre plus de 15 jours pour lire dans le Monde, une interview de Marina Zenovich , l'auteur du documentaire "Roman Polanski : Wanted and Desired" (2008), excédée de lire n'importe quoi sur cette affaire. Mais le mal est fait, les chiens sont lâchés ... et la calomnie à la vie dure.

Mais d'où viennent ces "sondages" internet. Qui répond à ces sondages ? Qui commente les articles ou les billets des blogs ? Quel pourcentage de la population internet et quelle représentativité ? Quelle implication y-a-t-il derrière ces clics ? Quel contrôle y-a-t-il sur le système de vote et de réponse ?

Je lis beaucoup, je m'insurge souvent mais je commente peu, même si je sais, en tant que professionnelle, que le commentaire augmente ma visibilité sur internet et donc, mon indice de popularité . Et pour blogger depuis longtemps, pour avoir animé des blogs personnels et professionnels, je sais aussi qu'une grande partie des lecteurs de blogs ne commentent pas.
Je vous invite à relire l'excellent billet de Dominique Cardon sur l'identité numérique et observer de près les différentes typologies sur la visibilité.

On assisterait donc ici à une totale inversion des règles : ce serait maintenant la société du "moi-le-média" qui influencerait les médias traditionnels et dicterait les sujets, et les politiques qui se contentent alors de surfer sur les commentaires des internautes.

Dans l'affaire Polanski, cela donne des dérives inimaginables et une exploitation des sujets collatéraux où chacun se projette allègrement : la fracture avec les élites, la justice à 2 vitesses, les abus sexuels, le combat des féministes, le viol, le tourisme sexuel, la pédophilie, l'affaire Batisti, l'affaire Dutroux etc... dont certains journalistes bien-pensants, et certains commentateurs (co-menteurs ?) "éclairés" se délectent offrant ainsi un boulevard à tous les extrémismes politiques.

Qui cela sert-il ? Pourquoi cet homme ? Pourquoi maintenant ? Quel besoin a-t-on d'attiser la haine à ce point, d'amalgamer l'arrestation de Roman Polanski à celle d'un criminel nazi ? De quoi le lynchage de Roman Polanski puis de Frédéric Mitterand, mais aussi de tous ceux qui les défendent, sont-ils les symptomes exactement ?

Tous les journalistes ne sont pas à mettre dans le même sac, non, et je ne souhaite en aucun cas stigmatiser une profession ou une activité. Mais personnellement, je me désole de la superficialité du travail accompli par certains, du manque d'objectivité ou de questionnement, de l'absence d'éthique et notamment sur la vérification élémentaire des sources. Il est factuel que moins de 7% des blogs ne sont que des copies de copies de copies... d'une matière originale.

Au début des années 2000, j'ai commencé à enseigner et consulter , parallèlement à mon travail d'auteur-réalisatrice. L'utilisation du numérique et des réseaux posaient de nombreuses questions philosophiques et sociales. Une révolution était en marche, et je me disais qu'il fallait mieux faire partie des acteurs de ce projet, et être capable d'en influencer le cours, que de simplement la subir. Illusion, peut être, vanité, ou tout simplement une forme d'optimisme désespéré qui ne préfère regarder du bon côté des choses du progrès... Et chaque jour, si je ne regarde que de ce côté là, je suis tout simplement émerveillée des incroyables mouvements que peut produire la maitrise des technologies par l'homme.

Mais si je regarde de l'autre côté aujourd'hui, alors je me sens profondément inquiète. Inquiète de ce qui se profile derrière cet Internet où le ressentiment démocratique devient un leitmotiv insupportable, où le débat public peut être totalement manipulé ou orienté par de nouveaux dictateurs, de nouveaux intégrismes, qui eux ont parfaitement compris les processus de viralité. Inquiète de la violence des attaques, de leur vulgarité, inquiète des amalgames, de l'utilisation des mots pris et repris en boucles, et transportés à la vitesse de l'éclair.

Il est urgent de développer une éthique, une charte, des mécanismes de protection et d'éducation, bref, des formes de contre-pouvoir propre à l'utilisation des médias sociaux. Il est important que ceux qui ont une voix puissante mesure la vertu du silence et que les silencieux mesurent l'opportunité d'utiliser leur voix. Il est fondamental de ne pas abandonner internet à ceux qui souhaitent en faire un nouvel outil de domination par le contrôle des médias sociaux.

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Sources...
Tous les news et quotidiens en ligne...
Le Blog de Romain Desbiens
Marina Zenovich : Le Monde 14 octobre
Obs; Yasmina Reza
Groupe Facebook Free Polanski
Pétition internationale Free Roman Polanski.
Interview de Polanski par Charlie Rose


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